ITW Thierry Marx avec Raphaël Haumont dans son laboratoire

Une révolution culinaire avec Thierry Marx et Raphaël Haumont
Les petits journalistes de Pif Gadget ont eu la chance de rencontrer un duo de choc : le célèbre chef Thierry Marx, pionnier de la cuisine moléculaire, et Raphaël Haumont, chimiste et spécialiste en innovations culinaires. Ensemble, ils explorent les nouvelles frontières de la gastronomie au service du goût, de la santé et de l’environnement.

Dans le cadre unique de leur laboratoire au restaurant Onor, ils nous ont dévoilé leurs réflexions et méthodes, basées sur une approche scientifique et créative.

ANDREA : Comment la cuisine moléculaire peut-elle avoir un impact positif sur nos vies ?

Thierry Marx (T.M) : Il y avait un grand maître de la cuisine française du XXe siècle, Auguste Escoffier, qui disait : « La cuisine, sans cesser d’être un art, deviendra scientifique et devra soumettre ses formules, trop souvent empiriques, à la science. » Pour moi, la cuisine moléculaire est une réponse pour mieux comprendre la transformation des produits et ce que je faisais en cuisine.

Raphaël Haumont (R.H) : Si on comprend ce qu’on fait, on peut l’appliquer aussi pour sa santé et pour la santé de la planète. Par exemple, on sait que rien ne cuit à 100 degrés, donc cela ne sert à rien d’utiliser une ébullition qui va consommer énormément d’énergie. Travaillons sur la casserole de demain, qui cuit à 80 degrés au lieu de 100. Sur toute la planète, cela aurait un impact considérable. Et mieux cuire un légume pour mieux l’assimiler a également des bénéfices pour la santé.

Une quête perpétuelle d’innovation

LUCIANE : Sur quelle recette moléculaire travaillez-vous en ce moment ?

T.M : Il y en a beaucoup. Par exemple, nous travaillons sur la gélification instantanée des pectines de fruits de manière naturelle. Nous étudions aussi beaucoup les algues, un ingrédient ancien qui revient doucement dans notre alimentation et qui mérite d’être redécouvert.

ALEXANDRE : Comment fonctionne habituellement un laboratoire de cuisine ?

T.M : Là où nous sommes, c’est un lieu de recherche, un espace où nous avons le droit de nous tromper. Je n’ai que des cahiers d’essais, pas de cahiers de recettes. Pour évoluer, il faut expérimenter.

R.H : Prenons une algue : on observe ses réactions, on note tout. Est-ce qu’elle est transparente ? Est-ce qu’elle tient au chaud ? Peut-elle caraméliser ? On imbibe, on grille, on brûle, et à partir de ces observations, on propose des pistes de recherche.

T.M : Par exemple, j’ai voulu reproduire la cuisson de l’œuf parfait japonais. Avec Raphaël, nous avons testé différentes températures : avant 58 degrés, l’œuf ne coagule pas ; après 62 degrés, il est sûr à consommer. Ces essais permettent de comprendre les processus en profondeur.

La curiosité comme moteur

ANDREA : Est-ce que vous avez un processus précis de création ?

R.H : C’est essai/erreur. En fait, on innove par la contrainte.

T.M : Un jour, on m’a demandé de faire un soufflé pour un végan. J’ai appris que des jus de légumes peuvent mousser comme des blancs d’œufs. En étudiant les segments d’orange, nous avons découvert que leurs peaux contiennent des pectines naturelles. Cela nous a permis de créer une gélification instantanée, avec moins de sucre et sans déchets. Aujourd’hui, on appelle cela des co-produits, pas des déchets.

R.H : Amusez-vous à vous imposer une contrainte. Vous verrez que cela stimule la créativité et mène à des solutions inattendues.

La cuisine de l’espace : un défi gastronomique

ANDREA : Comment avez-vous créé les repas pour Thomas Pesquet ?

T.M : Ce qui est intéressant, c’est d’adapter la cuisine aux contraintes de l’espace. Avec Raphaël, nous avons travaillé sur des plats qui rappellent l’enfance des astronautes, tout en tenant compte des problèmes de goût, de texture et de conservation. Thomas Pesquet aimait par exemple le pain d’épices aux pommes rôties ou encore la poularde au vin jaune.

R.H : Dans l’espace, les molécules n’ont pas la même dynamique. Les astronautes mangent comme s’ils avaient le nez bouché, car il n’y a pas de rétro-olfaction. Il faut concentrer les goûts naturellement, sans arômes artificiels, ce qui est un véritable défi. Nous avons aussi dû adapter les recettes pour qu’elles soient compatibles avec la microgravité, en évitant par exemple les miettes ou les sauces trop liquides.

LES ENFANTS : Il y a vraiment des plats qui sont allés dans l’espace ?

R.H : Oui, deux fois. Thierry a signé la carte en 2016 et 2019.

T.M : La comfort food joue un rôle crucial dans le moral et la sécurité des missions spatiales. Dans l’ISS, où l’on voit 16 levers et couchers de soleil par jour, les repas sont les seuls repères temporels. Ils permettent de structurer la journée et de renforcer les liens entre les astronautes.

Une innovation au service de tous

De la cuisson des œufs aux repas pour l’espace, la cuisine moléculaire, sous l’impulsion de Thierry Marx et Raphaël Haumont, dépasse les frontières de la gastronomie. Elle montre comment l’alliance de la science et de l’art culinaire peut améliorer nos vies, préserver la planète et même accompagner l’humanité dans ses plus grandes aventures.

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